MICHEL de MONTAIGNE.

"Cette humeur avide des choses nouvelles et inconnues aide bien à nourrir en moi le désir du voyager- dit Montaigne (Essais, III, 9)- mais assez d'autres circostances y confèrent". D'abord, le voyage permet d'échapper aux "épines domestiques": le souci de la conduite de ses biens ("Je me détourne volontiers du gouvernement de ma maison") autant que "les devoirs de l'amitié maritale" ("c'est une intelligence qui se refroidit volontiers par une trop continuelle assistance, et que l'assiduité blesse"). Il permet aussi d'échapper au spectacle de corruption et de ruine qu'offre la France bouleversée par les guerres civiles. ("l'autre cause qui me convie à ces promenades c'est la disconvenance aux moeurs présentes de notre E'tat"). Bref, le voyage est une fugue ("je sais bien ce que je fuis, mais non pas ce que je cherche"); à le prendre à la lettre, il est aussi "tèmoignage d'inquiétude et d'irrésolution". Mais toute inquiétude implique qu'on aspire à la possession de la diversité, toute fugue est en me^me temps élarfissement du désir, d'autant plus vaste qu'il est moins orienté. C'est là la mai^tresse qualité du voyageur: non pas triuver ce qu'il cherche, mais gou^ter ce qu'il trouve. Le soif est sa bienheureuse maladie: "le rois de Perse, qui s'obigeaient de ne boire  jamais autre eau que celle du fleuve de Chospès, renonçaient par sottise à leur droit d'usage en toutes les autres eaux, et asséchaient pour leur regard tout le reste du monde". La métaphore est partculièrement hereuse, s'agissant de ce long voyage en italie per la Suisse et l'Allemagne dont le Journal est le compte rendu. montaigne entendait avant tout soigner sa gravelle aux stations thermales de ce pays: aussi ce texte, qui n'ètait pas destiné à la pubblication et dont le manuscript ne fut découvert qu'au XVIIIe siècle, relate pe^le-me^le les impressions du touriste et celles du curiste, également assoiffès. mais ce Journal qu'on dit de Montaigne est un hybride. L'auteur des Essais en a rédigé la deuxième partie, s'amusant me^me à ècrire en italien (à partir de son séjour aux Bains de Lucques jusqu'à ce qu'il remet les pieds, sur le chemin de retour, dans les pays où l'on parle français). Important l'éloge de Rome dans Essais III, 9, où Montaigne:"la seule ville commune et universelle. Le magistrat souverain qui y commande est reconnu pareillement ailleurs: c'est la ville métropolitaine de toutes les nations chrétiennes, l'Espagnol et le Français, chacun y est chez toi. pour e^tre des princes de cet E'tat, il ne faut qu'e^tre de chrétienté, où qu'elle soit".
Casalino Pierluigi