Le gerush ou l'expulsion des Juifs de l'Espagne et du Portugal. La voix des chroniqueurs: une conception "lacrymale" de l'histoire.

Par rapport à l'Orient arabe, l'ensemble qui embrasse, de longs siècles durant l'Espagne et l'extre^me Maghreb affirme une culture et une manière personnelles. La solidarité entre les deux rives est scellé par des echanges culturels. Une tradition très active relie les épigones de Fès aux "grands ance^tres" de Cordoue. La chute de Grenade accentue cette partecipation. La continuité ets certaine. Les me^mes liens spirituels et historique unissaient étroitement les communautés juive établies sur les deux rives du détroit de Gibraltar. Mais les Juifs d'Espagne commencèrent leur mouvement de reflux bien avant les événements tragiques de 1391, vers les terres maghrébines, désormais plus hospitalières, que leurs ance^tres avaient quittées quelque siècles auparavant sur le pas des conquérants musulmans de la Péninsule ibèrique, le Berber Tarik et l'Arabe Moussa ben Nosair. La ruine du judaisme espagnol fut consommée et l'irréparable accompli à la suite des décrets d'expulsion de 1492 et de 1496. Les émigrés espagnols et portugais arrivaient par vagues successives  et s'établissaient provisoirement ou définitivement au Maghreb, principalment au Maroc, dans les ports méditerranéensou atlantiques et dans les métropoles de l'intérieur du pays, constituant un groupe ethnique, les megorashim ou expulsés castillans, d'abord distinct de celui des toshabim autochtones, fusionnant ensuite avec lui sur le terrain des activités communautaires dont il prit peu très to^t dominante sur le terrain économique et dans le domaine de la science rabbinique. Les societés judéo-musulmanes maghrébines ont prolongé, jusqu'au XIXe siècle pour l'Algérie et la Tunisie et jusqu'au XXe pour le Maroc, une civilisation, un mode d'existence et une culture que leurs ance^tres ont connus depuis la fin du XVe siècle, après la ruine de l'a^ge d'or andalou et le repli du pays sur lui-me^me. Quatre siècles passent qui n'apportent guère de modification notable ni aux hommes et au paysage culturel, ni à l'espace socio-économique et la vie quotidienne. Les croniques qui racontent l'expulsion d'Espagne et du Portugal appartiennent prseque toutes à la conception "lacrymale" de l'histoire, celle qui ne retient que la séries de malheurs et de perturbations ignorant que l'existence, quelle que soient les circumstances, est faite de périodes paisibles, relativement heureuses, et de moments d'amerture et d'affliction, ce qui un poète marocain des XVIIe-XVIIeI siècles appelait dans son anthologie intitulée "Et le Khol hefes" ("Un temps pour toute les chose") "le moments désiderables" et "le moments indésiderables", dédiant au premiers les hymnes et les cantiques de joie, et aux seconds des "quinot" et des "tamrumin", des chants funèbres et des complaintes amères. Le recit que font du gerush (l'expulsion) bien des témoins de l'évenement contient cependant quelques éléments consolateurs, quelques points de lumière émergeant des ténèbres de la tragèdie. La relation des mésaventures de R. Yehudah Hayyat est particulièrement intéressante, car elle fait état péripèties de son voyage avant arriver à Fès et de l'accueil qui lui fut réservé par ses correligionnaires marocains. Il en va de me^me pour les récirs de Abraham Ardutiel et de Salomon ibn Warga qui font l'éloge de l'hospitalité du sultan du Maroc.
Casalino Pierluigi, Fès 8.03.2015